A quelques heures des voeux de Nicolas Sarkozy aux forces religieuses, de nouvelles voix se sont élevées jeudi pour s’inquiéter des récents propos du chef de l’Etat sur la laïcité.
« On ne peut pas être à la fois laïc et non-laïc », a déclaré le socialiste Laurent Fabius au micro de RTL.
Pour le député de Seine-Maritime, « il est très important que le président s’en tienne à la version traditionnelle de la laïcité. Il faut qu’on ne mélange pas les religions, que je respecte, et le domaine public dans lequel elles n’ont pas à interférer ».
Comme l’ancien Premier ministre, nombreux sont ceux qui, dans l’opposition et dans le monde syndical, se sont inquiétés des propos sur la religion tenus par le chef de l’Etat dans deux discours récemment prononcés à Rome et à Riyad.
Lundi dernier en Arabie saoudite, Nicolas Sarkozy a souligné le fait que « dans le fond de chaque civilisation, il y a quelque chose de religieux ». De l’avis du chef de l’Etat, « ce sont les religions (…) qui nous ont les premières appris les principes de la morale universelle, l’idée universelle de la dignité humaine ».
Moins d’un mois plus tôt à Rome, Nicolas Sarkozy avait souligné les « racines chrétiennes de la France » et prôné une « laïcité positive » tout en faisant l’éloge de la foi, gage d’espérance à ses yeux.
« Un homme qui croit c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent », avait-il dit le 20 décembre après avoir été fait chanoine à la basilique Saint-Jean-de-Latran.
« Dans la transmission et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur », avait aussi estimé le chef de l’Etat, président d’une République laïque.
« UNE RÉPUBLIQUE SOUMISE À LA RELIGION »
« Incompatibles avec l’exercice de sa fonction », ces propos ne peuvent que « scandaliser les défenseurs de la laïcité qu’il soient croyants ou non-croyants », estime le Snes-FSU dans un communiqué publié jeudi. Le syndicat enseignant accuse Nicolas Sarkozy de « distiller l’idée d’une République soumise à la religion ».
Lors des questions d’actualité mercredi à l’Assemblée nationale, le député socialiste des Hautes-Pyrénées Jean Glavany avait interpellé la majorité à propos du discours de Riyad, « où Dieu n’est plus cité à chaque page, mais à chaque ligne, créant désormais un problème de fond dans la République ».
La loi de 1905 de séparation entre l’Eglise et l’Etat « n’est-elle pas violée en la circonstance ? », s’est-il interrogé.
« Nous souhaitons reconnaître le rôle de la spiritualité, de toutes les spiritualités, sous toutes leurs formes. Les Français y sont très attachés », lui a répondu la ministre de l’Intérieur, également en charge des Cultes, Michèle Alliot-Marie.
« Nous voulons aider toutes les spiritualités à s’exprimer, y compris celles fondées sur l’athéisme », avait-elle ajouté.
Jeudi dernier dans ses voeux, le Premier secrétaire du PS François Hollande avait demandé au chef de l’Etat de « clore définitivement sur l’éventuelle remise en cause de la loi de 1905 qui n’a jamais été aussi actuelle ».
Dans un entretien à l’Express, le président du Mouvement démocrate, François Bayrou, estime pour sa part que « remettre en cause le principe de laïcité, c’est ouvrir la boîte de Pandore ».
A l’approche de la cérémonie de voeux aux représentants des principales religions présentes en France, prévue à 18h00, Nicolas Sarkozy a fait jeudi allusion à ce vif débat lors de ses voeux aux Forces de la Nation, en évoquant l’ouverture de bibliothèques le dimanche.
« Je sais qu’on m’accuse beaucoup de trop m’intéresser à la religion mais je pense qu’on peut respecter ceux qui veulent aller à la messe et ouvrir les bibliothèques le dimanche. Ce n’est pas absolument contradictoire », a-t-il estimé. « Je ne mets pas en cela gravement en cause la laïcité ».
Elizabeth Pineau